L’argent de l’Education nationale part en fumée ! : Quelle alternative après l’échec de la dernière réforme du curriculum au Maroc ? 1/2


Par Hassan Filali
Mercredi 25 Juillet 2012

L’argent de l’Education nationale part en fumée ! : Quelle alternative après l’échec de la dernière réforme du curriculum au Maroc ? 1/2
D’une  réforme à l’autre, qui dans la majeure  partie des cas n’aboutissent  pas, il semble que le système éducatif marocain ne voit pas encore  le bout du tunnel. L’exemple évident  en cours est l’échec de la mise en place de la pédagogie de l’intégration dans le dispositif pédagogique au Maroc. En effet, c’est un budget global qui avoisine les 450 millions de dirhams qui est parti en fumée sans que cela puisse impacter positivement les apprentissages des élèves marocains. Un chiffre qui donne le tournis dont  le chef du bureau d’étude aurait empoché à lui seul et sans aucun résultat tangible  la cagnotte  de 33 millions de dirhams. Ce fiasco dans la mise en place de la réforme montre le degré de dégradation atteint  dans la gestion d’un secteur public très sensible placé en deuxième position en matière de priorité sur le plan national après celui de la défense de l’intégrité territoriale. Par ailleurs, malgré les efforts consentis  depuis belle lurette et qui  sont  dans la plupart des cas entachés d’improvisation, les résultats scolaires enregistrés  tant  sur le plan quantitatif  que qualitatif restent en deçà des espérances. Dans ce sens, le discrédit de l’école publique marocaine ne cesse de s’amplifier aux yeux même des couches les plus défavorisées. Au lieu d’être des tremplins vers la vie active, l’école et l’université sont devenues de nos jours les lieux  de la massification d’un enseignement sans qualité qui constitue un obstacle devant l’intégration des jeunes dans le tissu socioéconomique du Royaume. En effet, le phénomène des diplômés chômeurs qui manifestent chaque jour à Rabat devant le Parlement et qui sont  dispersés par  les services de l’ordre  constitue un  puissant exemple dans ce sens. Face à cette situation dramatique, une question cruciale s’impose : Comment sauver l’école marocaine et par-delà les sortants de l’école marocaine ? Les décideurs au sein du ministère de l’Education nationale avaient cru que la pédagogie de l’intégration allait être le  remède miracle pour sauver le dispositif pédagogique améliorant ainsi la qualité des apprentissages chez les élèves marocains à travers  la mise en œuvre de l’approche par les compétences les préparant ainsi à une meilleure insertion dans la vie active. Cet espoir de faire renaître une nouvelle école marocaine a tourné au vinaigre. En effet, la note ministérielle du 16-2-2012 qui ordonna l’arrêt de la mise en place de la pédagogie de l’intégration au collège et qui laissa le libre choix aux chefs d’établissements au primaire en concertation avec leurs équipes pédagogiques de la mettre en œuvre ou de l’abandonner  a été ressentie comme un coup de massue sur les têtes  des responsables du BIEF (bureau international d’éducation et de la formation) et une douche froide pour les responsables au niveau central ainsi que les experts nationaux qui étaient chargés de l’implantation de la PI dans le dispositif pédagogique marocain. La note du ministre à propos de la pédagogie de l’intégration  a  fait retourner l’école marocaine à la case  départ sans aucune nouvelle vision de réforme.  Ainsi l’urgence de  réformer le curriculum au Maroc s’impose comme une nécessité incontournable afin d’améliorer la qualité des apprentissages et des acquisitions chez les élèves marocains les préparant ainsi à une meilleure insertion socioprofessionnelle.

La nécessité de
moderniser le
curriculum au Maroc

L’école qui s’ouvre à la grande masse d’élèves au Maroc doit être une école dont les finalités sont en parfaite adéquation avec les changements et les transformations socioéconomiques et culturelles que connaît le pays, une école qui renforce l’esprit de la rationalité et qui est attentive aux  grandes mutations qui marquent sans répit la production du savoir à l’échelle universelle; comme elle devrait être le lieu de l’appropriation des valeurs qui cultivent l’idéal de la bonne citoyenneté et qui s’inscrivent en parfaite  harmonie avec sa référence malékite. A la question quel projet social nous voulons construire? se rapporte à une autre question concernant quelle philosophie nous avons de l’acte d’éduquer ?  Les philosophies  de l’éducation qui se situent en harmonie avec les temps modernes ciblent  en premier  lieu, à travers l’acte éducatif, l’émergence du sujet réflexif tout à fait autonome et libre qui mobilise les potentialités dont il dispose afin de devenir un acteur efficace dans le monde social  et naturel  qui l’entoure tout en s’inspirant des valeurs idéales du droit, du devoir  et de la justice. Cela bien évidemment,  en tant que citoyen utile  à sa société et œuvrant pour le bien vivre en faveur de la  communauté à laquelle il appartient  et par extension en faveur de l’humanité toute entière dans un esprit d’ouverture et de tolérance  sur les autres cultures. Tel est le profil du Marocain de demain que l’école marocaine doit cibler à travers la modernisation de son curriculum. Sans oublier le rôle de l’université qui doit être au cœur de la dynamique de développement social et économique du pays.
En réalité, avant même que la moitié de la décennie consacrée à l’enseignement se terminait, quelques rapports mondiaux avaient pointé du doigt le niveau très décevant  de la rentabilité de notre système éducatif. Et c’est la raison pour laquelle un plan d’urgence a été conçu et perçu comme relevant de la dernière chance  qu’il fallait saisir afin  d’éviter l’effondrement total de tout le système. Malheureusement, les dérives dans la gestion de ce secteur persistent encore. Ce constat d’échec  ne peut en aucun cas occulter l’espoir de voir un jour notre système éducatif devenir  performant  pour rivaliser avec les meilleurs systèmes éducatifs mondiaux. Pourtant, cela ne peut se réaliser que dans le cadre de la mise en œuvre d’une stratégie globale qui vise  à développer les facteurs ayant une  influence directe sur la qualité de l’enseignement ainsi que le développement des facteurs qui ont une influence indirecte sur la rentabilité du système éducatif marocain. Or, pourquoi la mise en place de la pédagogie de l’intégration dans le dispositif pédagogique marocain a échoué ?  C’est ce que nous allons aborder dans la deuxième partie de l’article.

Un constat sur l’échec
de la pédagogie de
l’intégration

Parmi les facteurs qui sont susceptibles de contribuer à  l’émergence d’une école de qualité, on peut citer la réforme curriculaire. Dans ce sens, force est de constater que l’échec de la mise en place de la dernière réforme curriculaire en date concernant le renforcement du curriculum marocain par la méthodologie de la pédagogie de l’intégration   a plongé une bonne partie du personnel enseignant dans le désarroi et la désillusion de voir des réformes qui débutent mais s’écroulent dans l’absurdité totale. S’inscrivant dans le programme d’urgence et plus précisément dans le cadre du projet E1P8 qui concerne l’amélioration du dispositif pédagogique marocain, l’introduction de la pédagogie  de l’intégration avait pour objectif d’assurer une meilleure qualité des apprentissages en garantissant l’acquisition des savoirs et des compétences de bases chez les élèves marocains scolarisés. Certes, si  beaucoup de moyens  logistiques et matériels ont été mobilisés pour la mise en place de la pédagogie de l’intégration, malheureusement tout cela fut en vain et l’approche par les compétences tant souhaitée pour appuyer le curriculum au Maroc est loin d’être acquise. Partant  du principe de la bonne gouvernance qui constitue l’essence de la déclaration du gouvernement actuel, notre pays ne peut plus se permettre de réserver des budgets colossaux au secteur de l’éducation sans que cela ne permette d’atteindre  les résultats escomptés qui devaient se manifester par une réelle amélioration de la qualité de l’enseignement. Il semble que le temps est opportun pour procéder  à une critique objective des discours et des orientations ayant freiné depuis longtemps l’émergence d’un enseignement de qualité dans notre pays. Si la modernisation du curriculum au Maroc  passe inévitablement par la mise en œuvre de l’approche par les compétences, force est de constater dans ce sens que malgré la Charte de l’éducation et de la formation, malgré le livre blanc et le programme d’urgence, celle-ci reste un vœu pieux. Or quel enseignement pouvons-nous tirer de l’échec de la mise en place de la pédagogie de l’intégration pour asseoir la réforme curriculaire prochaine sur de bonnes bases ? Bien évidemment ceux qui ne tirent pas de leçons de l’histoire sont condamnés à la répéter de manière interminable. Cependant, loin de toute spéculation intellectuelle, le fiasco qu’a connu l’introduction de la pédagogie de l’intégration comme cadre méthodologique pour renforcer le curriculum au Maroc mérite une étude approfondie pour s’arrêter sur les véritables entraves ayant conduit à l’effondrement de ce cadre méthodologique dans l’expérience  marocaine. En effet, cela ne nous empêchera pas de porter quelques remarques en temps que praticien dans le secteur en vue de les partager avec les autres collègues.

Professeur agrégé (CRMEF Fès) * 

Demain :
DEUXIEME ET DERNIERE PARTIE




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1.Posté par Mohamed El akkioui le 09/08/2012 03:04
Toute réforme pédagogique est censée s'inscrire dans une continuité historique ,culturelle et méthodologique qui fondent son être.Un curriculum n'est pas un algorithme biblique à apprendre par coeur et à mettre en pratique sans se pencher du côté du système de valeurs qui le fonde .C'est pourquoi la régle pédagogique postule qu'il n'y a pas de bon ou de mauvais curriculum mais qu'il y a de bons ou de mauvais enseignants.Les réformes du système marocain ,souvent improvisées et saisonnières,ne prennent pas en compte la mise en valeur du corps enseignant dans l'accompagnement de ces réformes .Livrés à eux-mêmes, les enseignants ,souvent mal formés , développent des réactions de rejet à l'égard de tout changement de leurs habitudes d'enseignement.La formation de base dans les centres de formation se réduit à des cours théoriques qui louent les vertus du curriculum et donnent de la pratique enseignante une vision mécanique et quasi sacrée.La formation continue et l'autoformation des enseignants passent par la mise en place d'un dispositif de formation qui encourage et gratifie l'effort , la créativité.Le métier d'enseignant est tellement mis à mal qu'il est difficile de s'attendre à des performances honorables.Un enseignant incapable de démonter sa pratique est vite pris dans le tourbillon du désapprentissage, ce qui se répercute sur sa pratique sans doute décousue et incohérente .Seuls les inspecteurs qui assurent des observations de classe se rendent compte de l'énormité des dégâts.Par ailleurs l'enseignant se déresponsabilise en accusant simplement les concepteurs du curriculum de mener des réformes verticales et d'ignorer la réalité du terrain.Ce système en boucle détruit le curriculum et en fait un simple objet de curiosité .Pour l'anecdote, les enseigants disent souvent cette phrase formulaire "je suis le manuel".Le verbe étant passible de deux sens (suivre et être), l'enseignant exécute une tâche et s'identifie au curriculum.Une anecdote révélatrice d'un état de fait incontournable.Bien évidemment, d'autres paramètres entrent en jeu dans la mise en place d'un curriculum.Il faudra peut-être des articles plus développés pour la question curriculaire dans le contexte plus global des réformes du système éducatif marocain .El A kkioui Mohamed .Professeur agrégé.

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